A l’image de sa vie et de son enfance difficiles, les livres jeunesse de Roald Dahl consacrent systématiquement des enfants qui trouvent toujours la force morale de prendre un jour leur revanche sur leurs tortionnaires. Dans Matilda, l’effet est d’autant plus jubilatoire et transgressif que la vengeance est cruelle et qu’elle agit comme un catharsis.
Matilda va relativiser ses problèmes, défendre ceux qui lui veulent du bien pour créer une société plus juste. C’est sûrement cette part de justice sociale qui étreint les personnages de l’écrivain et qui rend son oeuvre universelle. C’est la victoire de David contre Goliath et des gentils enfants sur les adultes méchants.
Dés le départ du livre, La petite Matilda est dépeinte comme une surdouée qui sait lire et écrire à 4 ans et demi malgré des parents qui ne s’occupent pas d’elle. Dahl parle d’enfant prodige et de génie évidemment incompris par des parents dépeints comme malhonnêtes mais aussi et surtout comme stupides. Le père est décrit comme un vendeur de voitures qui trafique les compteurs kilométriques des voitures qu’il vend. Sa mère est caricaturée comme une fausse blonde platine mal décolorée au maquillage lourd et ridicule qui passe sa journée devant la télévision.
L’écrivain pose à ce moment un regard objectif et cynique sur la middle classe américaine obsédée par la société de consommation et sous cultivée.
Plus tard dans le roman, Matilda va découvrir ses talents de télékinésie lui permettant de faire bouger des objets à distance par la simple force de son esprit. L’écrivain nous fait comprendre que ses pouvoirs viennent d’une colère refoulée voire d’une intense frustration. Concrètement, Roald Dahl explique que la solution de nos problèmes est toujours au fond de nous et qu’elle peut nous amener à nous surpasser pour vaincre nos difficultés.
Durant tout le roman Matilda s’oppose à la directrice de son école qui la dénigre et la sous estime. Elle est tyrannique et sans pitié et ne pense qu’à faire régner la loi et la discipline au détriment de la création et du bonheur. Cette éternelle opposition entre une éducation rigoriste, théorique et ultra stricte et l’instinct de liberté et d’affirmation de soi est une des valeurs essentielles sous-jacentes des romans de l’écrivain gallois. A l’image de ce qu’il a certainement vécu, Roald Dahl se sert de Matilda pour dénoncer à sa façon les brimades physiques subies dans une éducation stricte anglaise.
D’autres thèmes forts sont également abordés dans le livre, Matilda, et notamment la délation puisque plusieurs petits camarades de classe n’hésitent pas à en dénoncer d’autres.
Mais le thème récurrent est bien l’injustice sociale qui coupe la société en deux entités, les riches et les pauvres, les puissants et les faibles. La directrice représente évidemment la richesse et la puissance de par son côté dictatorial mais aussi parce qu’elle a spolié Mlle Candy, la maîtresse de Matilda, de son héritage. Mlle Candy, professeur au bon cœur et protectrice de Matilda joue le rôle de la faible qui est sous la domination de sa tante et en même temps directrice.
Cependant, il ne faut pas oublier que le roman de Roald Dahl a un souffle épique incroyable et qu’il consacre un petite fille au caractère bien trempé qui ne s’en laisse pas compter. Les scènes burlesques notamment lors de la découverte de la télékinésie puis de son utilisation postérieure sont hilarantes. En effet, ce livre a plusieurs niveaux de lecture mais il reste avant tout un livre jeunesse absolument passionnant avec une trame très excitante. Matilda est un des meilleurs romans de Roald Dahl par le côté transgressif de la vengeance et la simplicité de son écriture.